Chantal Maury soutiendra son habilitation à diriger des recherches (HDR) intitulée :

Les composés phénoliques natifs et oxydés comme marqueurs de qualité des raisins et des vins

le 11 Juillet 2019 à 14H00 à l’ESA (55, rue Rabelais à Angers) – amphi 2290.

 

Devant le jury composé de :

Rapporteurs :

  • AUDE VERNHET, Professeur, Montpellier Supagro
  • PIERRE-LOUIS TEISSEDRE, Professeur, Université de Bordeaux
  • SYLVAIN GUYOT, Directeur de Recherche, INRA, Rennes

Examinateurs :

  • Gérald Thouand, Professeur, Université de Nantes
  • Denis Séraphin, Professeur, Université d’Angers

Directeur de Recherche :

  • Frédérique JOURJON, Directeur de Recherche, Groupe ESA

Résumé des travaux de recherche

Les composés phénoliques sont importants pour la qualité des raisins et des vins. En effet, ils sont impliqués dans la perception qualitative des vins en apportant de la structure en bouche et de l’astringence dans le cas des vins rouges. Ils sont également impliqués dans la stabilité à court terme et dans les évolutions lors du vieillissement du vin. En amont, ils permettent d’aider au choix de la date de vendange, en fonction du type de vin à produire, la date de récolte sera notamment choisie en fonction de l’extractibilité de la couleur à partir des raisins, donc des anthocyanes et de la qualité des tanins, plus ou moins astringents. En outre, les problèmes d’oxydation, dégradant la qualité des vins, sont liés à la présence de composés phénoliques, que ce soit dans les vins rouges ou dans les vins blancs.

Mes travaux ont contribué à une meilleure compréhension du comportement des composés phénoliques au cours d’itinéraires techniques viticoles et œnologiques. Certains de mes travaux ont porté sur leurs évolutions lors de stress biotique (Botrytis cinerea forme pourriture noble) et lors de procédés de stabilisation des vins tels que le collage protéique. La présence de pourriture noble a induit notamment la modification de la composition phénolique des raisins de Chenin. Lorsque la contamination est avancée (stade pourri plein), les concentrations en acide caftarique, acide coutarique et astilbine ont chuté drastiquement, et la catéchine gallate, la quercétine-3-glucoside et le kampférol ont quasiment disparu. En revanche, de la myricétine a été mis en évidence à ce stade de pourriture sur du raisin blanc pour la première fois ; ce composé étant considéré comme spécifique des raisins rouges jusqu’ici. En ce qui concerne les tanins, c’est plus leur nature que leur concentration qui est modifiée : les proportions en unités galloylées et épigallocatéchine augmentent avec la contamination. Tous ces résultats suggèrent la modification de voies métaboliques au sein du raisin à cause de Botrytis cinerea, ce qui est en accord avec la littérature.

En ce qui concerne le vin, sa composition est significativement impactée par l’étape du collage protéique. En effet, les gélatines et les protéines végétales ne précipitent pas les composés phénoliques simples mais seulement les tanins fortement polymérisés et galloylés, qui seraient aussi les plus astringents. La gélatine de plus faible poids moléculaire (16 kD) a précipité des tanins plus fortement polymérisés que la gélatine issue du même produit commercial ayant un poids moléculaire supérieur (190 kD). La présence de polysaccharides (de vin) et de glycérol modifie également l’impact du collage. Nous avons pu observer en particulier la diminution du taux de précipitation des tanins en leur présence. Par ailleurs, nous avons pu montrer qu’après collage, des résidus de colle restaient dans les surnageants de vins modèles générant des complexes solubles tanins-protéines et/ou tanins-protéines-polysaccharides. Ces complexes pourraient en partie expliquer la diminution d’astringence perçue et pourrait peut-être limiter les risques d’allergénicité des protéines concernées.

Un autre pan de mon travail a contribué à mieux comprendre l’oxydation de vins blancs et certains facteurs pouvant la limiter. Ainsi, nous avons clairement montré que l’acide ascorbique, qui est utilisé couramment en agro-alimentaire et parfois en œnologie comme anti-oxydant, peut au contraire générer une oxydation importante. L’acide ascorbique génère plus de brunissement que son diastéréoisomère l’acide érythorbique, et l’épicatéchine induit plus de brunissement que son isomère la catéchine. La configuration des molécules a donc un impact significatif sur le brunissement des solutions modèles et du vin blanc. De plus, nous avons pu montrer que des solutions modèles et du vin blanc issus de cépage Sauvignon blanc s’oxydaient beaucoup plus rapidement lorsqu’ils étaient dans des bouteilles sombres plutôt que dans des bouteilles claires ou transparentes. Pour la première fois, nous avons pu mettre en évidence la présence de sels de xanthylium, marqueurs de l’oxydation des vins, dans le cas d’oxydation de vins blancs.

Une approche multicritère de l’évaluation de la qualité des raisins a permis de mettre en évidence l’intérêt combiné de plusieurs méthodes. Les analyses de texture ont montré des différences entre les baies de raisins de la véraison à maturité, avec une pertinence renforcée au moment de la véraison par des analyses de compression. Les résultats issus de tests de pénétrométrie ont permis de discriminer les raisins en fonction de leur parcelle d’origine. Enfin, l’analyse sensorielle, avec des descripteurs liés à la maturité phénolique, maturité technologique, maturité aromatique et maturité texturale, a été capable de discriminer les raisins de Cabernet franc et de Chenin en fonction de leur niveau de maturité et de la parcelle d’origine. Les données combinées de texture et d’analyse physico-chimique ont amené à la discrimination des baies de Chenin en fonction de leur niveau de contamination de pourriture noble. La réduction des paramètres, pour un souci de facilité de transfert de la méthode, a permis une aussi bonne discrimination et classification des raisins, avec les trois analyses suivantes : concentrations en myricétine, astilbine et glycérol.

Pour terminer mes travaux les plus récents permettent d’envisager la caractérisation de la composition phénolique des raisins et des vins par l’utilisation de mesures non destructives telles que la spectroscopie NIR, la spectroscopie Raman et l’imagerie hyperspectrale, méthodes prometteuses dans la contribution de la détermination de la qualité des raisins et des vins. En effet, nos premiers résultats montrent qu’il est possible d’obtenir une bonne prévision de teneurs globales en composés phénoliques (polyphénols totaux, anthocyanes totales), mais aussi de la teneur en sucre grâce au NIR et surtout à l’imagerie hyperspectrale, et cela sur raisin de table, raisins de cuve et raisins secs. La spectroscopie Raman est en cours d’utilisation. Les premiers essais sont prometteurs puisqu’ils ont permis de discriminer des vins par rapport à leur cépage/origine.

 

Aller plus loin
___